Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, de Harper Lee
Si vous êtes cinéphiles, vous aurez pu voir Harper Lee sur les écrans au moins à deux reprises... vous séchez ? si je vous dis que c'était une des rares proches de Truman Capote, ça vous aidera sûrement... elle apparaît en effet en tant que personnage secondaire dans le film Capote de Bennett Miller sorti en 2006 (sous les traits de Catherine Keener), et dans Scandaleusement célèbre de Douglas McGrath en 2007 (sous les traits de Sandra Bullock).
Ce qui est intéressant, c'est que dans une certaine mesure il est arrivé un peu la même chose à Nell Harper Lee qu'à Truman Capote : pour des raisons fort différentes, ils ne se sont jamais vraiment remis du succès d'un de leur livre. Pour Capote, il s'agit de De sang-froid (In cold blood) et Pour Harper Lee, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (To kill a mockinbird).
Nell Harper Lee, née en 1926 et toujours vivante a publié un seul roman - celui-ci ! un énorme succès. Publié en 1960, au moment de la lutte pour les droits civiques, il recevra le prix Pulitzer, s'est à ce jour vendu à 30 millions d'exemplaires et est considéré par les américains comme un des romans les plus importants du XXème siècle. Un film en a été tiré, avec notamment Gregory Peck (Du silence et des ombres, Robert Mulligan, 1962).
De quoi s'agit-il ? nous sommes au milieu des années 30, à Maycomb, en Alabama (ville inspirée par Monroeville, la ville d'origine de Nell Harper Lee). Une femme blanche accuse un noir de l'avoir violée... toute la lourdeur des archaïsmes, du racisme et des haines ancestrales remonte à la surface à l'occasion de cette affaire.
Le talent d'Harper Lee (elle a gommé le Nell de son nom pour faire croire à un écrivain homme) est de placer le récit du point de vue de la petite fille du défenseur du Noir. Scout, fille d'Atticus Finch, raconte cette histoire avec humour et espièglerie. La première partie du livre n'est d'ailleurs pas tant l'histoire de ce procès que le récit des aventures de Scout et de son frère aîné, Jem : leurs jeux, leur rencontre avec le petit Dill, éternel fiancé à Scout (ils onst entre 6 et 8 ans au moment des faits...), la peur face à l'inquiétant voisin, Boo Radley. Toute cette première partie est un merveilleux récit d'enfance, un peu comme Les aventures de Huckleberry Finn, de Mark Twain.
La deuxième partie, centrée sur le procès de Tom Robinson, le Noir accusé de viol, est légèrement plus convenue, même si elle permet de dénoncer toute l'hypocrisie de la société du sud. C'est une belle réflexion sur le bien et le mal, à portée universelle. Je n'en dis pas plus sur cette partie, pour vous laisser le plaisir de découvrir la vérité sur ce viol et ses conséquences sur la petite communauté de Maycomb...
Il faut saluer l'excellent travail de la traductrice, Isabelle Stoïanov : aucune expression ne semble déplacée, tout semble couler comme de source.
Alors si ce livre vous plaît, inutile d'en chercher d'autres du même auteur : écrasée par ce succès, elle vit cachée entre New York et Monroeville... elle n'a rien publié, excepté trois ou qutre articles, depuis plus de 40 ans, n'a accepté aucune interview...
A lire : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, d'Harper Lee, traduit par Isabelle Stoïanov, Le livre de poche, 448 pages, 6,50€