No country for old men, de Joel et Ethan Coen

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no-country-for-old-men.jpgA chaque fois qu'un film des frères Coen est annoncé, se pose cette question : "cette fois-ci, à quelle sauce vont-ils  nous manger ?".
Alléché par les rumeurs l'entourant lors de la projection en compétition au printemps dernier  lors du festival de Cannes  (il était reparti bredouille de la Croisette !), j'avais été très frustré d'apprendre que No country for old man ne sortirait que  huit mois plus tard, en février 2008...
Le temps a passé, et nous y voilà !
Autant le dire d'entrée : âmes sensibles s'abstenir. Il fut un temps où les critiques s'amusaient à compter le nombre de balles tirées par Rambo ; il y en aura sûrement un pour compter le nombre de personnes que supprime Anton Chigurh (Javier Bardem), tueur à gage aux méthodes un peu particulières...
Nous sommes en 1980 ;  Llewelyn Moss (Josh Brolin, déjà repéré dans La nuit nous appartient de James Gray) chasse  dans le désert, quelque part au sud des États-Unis. Il tombe sur un massacre entre  trafiquants de drogue, et accessoirement sur une malette avec 2 millions de dollars. Anton Chigurh se lance à sa poursuite pour récupérer l'argent, et le shérif local, Ed Tom Bell (Tommy Lee Jones), au bout du rouleau, mène l'enquête.
Rien de bien original, me direz -vous... sauf qu'il y a la marque de fabrique des frères Coen. Des personnages taiseux ou qui s'embringuent dans des dialogues absurdes ou de pure convention, qui vont jusqu'au bout de leur logique. Tout au long du film, on s'interroge sur les motivations des personnages, et eux même, notamment le shérif, se posent la question du sens de tout cela. Je n'irai pas jusqu'à parler de quête métaphysique, mais  il y a un peu de cela dans les interrogations du shérif, qui est le narrateur de l'histoire. "Quelle est la part du hasard et de la nécessité dans nos vies", telle pourrait être la question fondamentale que pose ce film (vous avez 4 heures...).
"Quelles sont les motivations d'Anton Chigurh : la folie, l'argent, le sens du devoir ?" Carson Wells (Woody Harrelson), chargé de le retrouver, se pose aussi ces questions, mais on voit bien qu'il n'est pas vraiment outillé pour y répondre.
Le regard vide d'Anton Chigurh, son calme méthodique ne cessent de nous impressionner et de nous faire frissonner, de même que sa logique implacable. Il y a quelquechose du T1000 de Terminator 2 en lui. La présence inquiétante de Javier Bardem, son look improbable, avec sa coupe à la Ramones (pour les rockers) ou à la Mireille Mathieu (pour... les autres) renforcent ce sentiment, de même que le dépouillement des images (le désert joue très bien son rôle...) et de la bande son (quasiment pas de musique).
Josh Brolin a lui aussi une présence impressionnante, en chasseur devenu animal traqué, qui lutte jusqu'au bout.
Tommy Lee Jones, en shérif paumé, très fatigué, qui essaye de se rattacher à de vieilles valeurs, aux souvenirs glorieux de sa famille, est très convaincant, de même que Woody Harrelson, qui joue très bien les bas de plafond et que l'adjoint benêt du shérif.
"pas un pays pour les vieux", nous dit le titre, mais pas vraiment un pays pour les femmes non plus : la seule qui ait vraiment un rôle est la femme de Llewelyn Moss (Kelly MacDonald aperçue il y a quelques années dans Gosford Park, de Robert Altman), mais c'est tout.
Comme dans de nombreux films des frères Coen (Blood Simple, Fargo), la violence, l'horreur des scènes est contrebalancé par un humour à froid, un regard distancié qui créé un univers vraiment unique, loin des  séries B décérébrées auxquelles on pourrait un peu vite assimiler leur cinéma...

A voir : No country for old man, de Joel et Ethan Coen

Publié dans Cinéma

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P
Salut Francois<br />  <br /> C'est très sympa à toi d'avoir pris le temps de me répondre !! Je comprends <br /> ce que tu veux dire ! Cependant je suis  convaincu que l'émotion ressenti par un <br /> spectateur lorsequ'il voit un film est très intime, très subjectif, très <br /> personnelle.  Ainsi moi j'ai été ému, même boulversée, par le film d'Honoré, LES <br /> CHANSONS D'AMOUR, car il me parle, il résonne en moi, dans ce que j'ai de plus <br /> profond. Certaines personnes de mon entourage n'ont pas trouvé incroyablement <br /> émouvant, tout en reconaissant le talent des acteurs, la beauté des images et <br /> des chansons !!!<br /> <br />  <br /> N'hésite pas à faire "tourner" mon blog, en tant que petite nouvelle j'en ai bien besoin !!!!!
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O
La mise en scène de ce Coen est impréssionante, l'interpretation de Bardem est glaciale mais je n'adhère pas vraiment à ce cinéma qui est très grand spectacle et qui est plus pour impressionner que pour interpeller ou émouvoir Ceci dit ce film est techniquement et " théâtrelement" irréprochable
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F
<br /> Bonjour Orphée, ému, je ne l'ai peut-être pas été, mais ce que raconte ce film m'a interpelé : le constat de ce vieux policier qu'il est "out", dépassé par les événements m'a touché ; le fait<br /> que les personnages ne semblent agir que par pur réflexe (pas de psychologie), parce qu'il ont été conditionnés comme ça, ça aussi ça m'a interpelé : l'un tue parce qu'il ne sait faire que ça,<br /> l'autre essaye de survivre parce que c'est ce qu'il a appris à faire au Vietnam... Y-a-t-il un sens à leur vie en dehors de cela ? et nous, qu'est-ce qui nous pousse à agir, à nous lever chaque<br /> matin, sinon l'habitude... quel est le sens de nos vies ? c'est à ce genre de réflexions que m'a renvoyé ce film.<br /> <br /> <br />