Concert du Michel Portal Quintet, au Grand Logis, à Bruz, le 26/10/07

Publié le par François

Voici un article en forme de lettre ouverte à Michel Portal :

"Monsieur Portal,

j'ai assisté à votre concert du vendredi 26 octobre 2007 au Grand Logis à Bruz, et je dois avouer que votre prestation m'a touché.  Bien avant que vous n'interpeliez le public comme vous l'avez fait, j'avais en tête cet adjectif : 'admirable'. En effet, je trouve votre manière d'être sur scène admirable : vous vivez totalement votre musique, et quand vous soufflez dans vos instruments, le plaisir, la douleur, le mécontentement se lisent sur votre visage, et les cris que vous poussez sur scène sont très expressifs.

Certains ont parlé de 'moment de solitude' quand vous avez interpelé le public. Je parlerais plutôt de 'moment de vérité'. Il faut que je cite ici ce que vous avez dit, même si c'est de manière un peu imprécise : "Je pourrais souffler des heures, ça ne changerait rien à l'histoire". Non seulement vous vous êtes interrogé sur votre présence sur cette scène, sur son sens, à ce moment précis, mais cette interrogation nous (en tout cas, m') a renvoyé(s) directement à la raison de notre (ma) présence dans cette salle. Etions-nous là juste pour tuer le temps (avant qu'il ne nous tue, définitivement), parce que ça fait bien de dire "tu étais au concert de Portal ?", parce qu'on avait besoin de votre énergie, comme des vampires, parce qu'on avait un abonnement, que sais-je encore ?

Votre présence sur scène ce soir à Bruz ne changera peut-être pas le cours de l'Histoire, mais il rentrera certainement dans le cours de chacune des histoires des 300 ou 500 personnes présentes. Nous sommes tous constitués de nos souvenirs ; certains sont plus marquants que d'autres, mais chacun nous construit un peu (votre concert de cet été à Langourla, que j'ai déjà évoqué dans un article, comptera particulièrement pour moi...). Certes, vous nous donnez de l'énergie, mais surtout, vous jouez un peu nos vies sur scène, des vie rêvée de sublime, de beauté (quelqufois convulsive dans votre musique)... Je vous le dis, vous êtes admirable !

Vous m'excuserez sûrement de ne pas connaître les titres de vos morceaux, et de ne pas être un familier de vos disques, mais j'ai vraiment adoré le 3ème morceau, que vous avez joué à la clarinette, me semble-t-il ; un morceau tout en douceur, très mélodieux.

Je dois avouer que j'ai eu un peu de mal en début de concert, avec ces morceaux aux intros bruitistes. J'ai eu l'impression que vous avez renouvelé la structure traditionnelle des morceaux de jazz (thème-soli-thème). Ici, ce sont les soli qui amènent au thème... Enfin, j'ai essayé de ne pas trop analyser, mais juste ressentir votre musique, car loin de l'intellectualisme dont on vous taxe parfois, je trouve votre musique terrienne, organique.

Vous vous appuyez beaucoup sur Bojan Z, qui, il faut le dire et le redire, est un pianiste incroyable, toujours inventif, sur le qui-vive. J'ai adoré regarder les bras du batteur Tom Raney, qui virevoltaient au-dessus des toms, des cymbales, avec grâce. Eivind Opsvik, à la contrebasse tenait la baraque de fort belle manière, et même si je ne partage pas votre admiration pour Tony Malaby (trop en retrait, pas assez impliqué), vous disposez d'un fort beau groupe.

Et comme un pied de nez à ce que vous aviez dit lors du concert, vous l'avez achevé avec un superbe titre, "Une lueur dans le brouillard"... quelle est cette lueur dans le brouillard, sinon votre musique, et toute celle des musiciens qui nous aident à supporter le quotidien ?

Ce que vous nous apportez ne peut se mesurer avec aucun indicateur boursier ; si j'étais mystique, ou même simple croyant, je parlerais de sacré (de 'feu sacré') ; mais je suis un mécréant, alors je tiens à vous remercier pour ce moment de beauté que nous avons tous partagé, ce soir d'octobre 2007, à Bruz, en Bretagne."

 

A écouter : Birdwatcher, de Michel Portal, Universal, 2007.

Publié dans Concerts

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