Capitaine Achab, de Philippe Ramos

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Capitaine_Achab.jpgQue sait-on du Capitaine Achab à la lecture de Moby Dick, d'Hermann Melville ? A part la soif de vengeance et un orgueil démesuré, la raison de sa quête désespérée reste pour grande part un mystère, et tous les éléments biographiques qui pourraient expliquer cette quête sont absents.
Philippe Ramos s'est jeté dans ce blanc laissé par Melville pour imaginer une biographie au Capitaine Achab. Un garçon élevé dans les bois (comme Philippe Ramos), dont la mère est morte en lui donnant naissance. Un père bourru et amoureux d'une jeune femme qui lui est infidèle ; la mort de celui-ci par la main d'un rival, peintre ; l'éducation chez une tante rigide ; la fugue et la lente dérive dans une barque, façon La nuit du chasseur. Puis la vie de marin qui le hisse au niveau d'une légende vivante, bien avant de se confronter à Moby Dick
Je me garderai bien d'interpréter le lien que fait Philippe Ramos entre les différentes figures féminines du film et Moby Dick... parallèle toujours délicat, d'autant qu'il me semble que dans le livre de Melville, Moby Dick n'est pas UNE baleine mais UN cachalot...
Cela n'empêche cependant pas le film d'être très réussi d'un point de vue visuel, car Philippe Ramos est un peu un peintre. Les différents tableaux qui constituent le film et les tableaux entre eux ont une grande cohésion visuelle. C'était d'ailleurs une gageure, vu le peu de moyen dont semble disposer le film, de montrer l'Amérique profonde, puis la chasse au cachalot. Philippe Ramos s'en sort brillamment, car même si on sait que rien n'a été filmé Outre-Atlantique, tout est crédible, et il y a un véritable talent de composition des plans, de saisie des paysages, de la lumière, de ses variations. Dans plusieurs scène s'intérieur, on pense à du La Tour... c'est très beau.
L'utilisation de voix off pour nous narrer l'histoire, des voix à la fois familières et inconnues, donne une épaisseur à ce récit dont la construction est très fragile. La bande son, composé de morceaux d'Isobel Campbel, Mazzy Star, Tim Buckley, etc.  est très convaincante et contribue à nous porter vers ces contrées lointaines.
On pourra avoir quelques réserves sur la gaucherie de certains interprètes, surtout en début de film, mais là encore il y a une grande cohésion, et le parti pris d'utiliser un langage contemporain, tout en étant en costume renforce l'originalité de la démarche. Quelques acteurs sortent du lot : en Achab enfant, au regard sombre et buté, Virgil Leclaire nous offre une belle prestation ; Philippe Catherine (oui, le chanteur déjanté !) est un bourgeois dandy décalé assez savoureux ; Mona Heftre est aussi très convaincante en tante puritaine ; en quelques scènes, Carlo Brandt campe un pasteur très convaincant (et quelle voix !) ; et Denis Lavant, en Capitaine Achab, fait réellement peur.
Au final, on a devant les yeux un objet étrange, original, fragile... qu'est le cinéma, sinon la proposition d'images qui nous emmènent dans un ailleurs ?

A voir : Le capitaine Achab, de Philippe Ramos
A lire : interview de Philippe Ramos dans l'Humanité

Publié dans Cinéma

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